DSP : Une décision de justice qui pourrait coûter cher

Jeudi 28 juin, le Conseil d’État a rendu un arrêt qui était scruté avec anxiété par les exploitants privés de remontées mécaniques qui ont signé des conventions avec leurs instances communales à la suite de la loi « Montagne » de 1985.

En effet, ces conventions, qu’elles aient été signées avant ou après la loi Sapin de 1993, sont assimilables à des délégations de service public. Elles comportaient cependant une clause qui prévoyait, au terme de la convention d’exploitation, que la collectivité rachèterait, à prix d’expert, l’ensemble des installations liées à l’exploitation du domaine skiable.
C’est cette clause qui vient d’être invalidée par le Conseil d’État, dans une affaire qui oppose depuis plus de quatre ans la SARL Coutollenc Frères et la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, concernant le domaine skiable de Sauze-Super Sauze. Les juges estiment que la plupart des investissements réalisés par la société Coutollenc ont été largement amortis durant l’exécution de son contrat d’exploitation (de 1998 à 2013) et qu’en conséquence la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye n’a quasiment rien à verser à son délégataire pour récupérer l’entière propriété de l’ensemble, si ce n’est la part non amortie des investissements. Cette dernière part reste à déterminer avec précision mais il ne fait pas de doute qu’elle sera très largement inférieure aux quelque 3,7 millions d’euros que la commune d’Enchastrayes et la Communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye avaient décidé de verser à la famille Coutollenc en 2013/2014.
Des voix s’étaient élevées, à l’époque, contre ce montant jugé excessif et c’est peut-être ce qui a incité la préfecture à s’intéresser de plus près à cette transaction. S’en est suivi un long bras de fer juridique, durant lequel toutes les décisions étaient allées, jusqu’à présent, dans le sens de la société d’exploitation, même en appel. À chaque fois, les juges estimaient qu’il ne pouvait pas y avoir d’expropriation tacite. Mais, en dernier recours, le Conseil d’État vient donc, finalement, de donner raison à la préfecture en estimant que les équipements de la station étaient bien devenus propriété de la collectivité concédante dès l’origine de la concession et que l’indemnisation de l’ancien propriétaire ne pouvait se faire qu’en applicant les règles établies pour ce qu’on nomme en droit des « biens de retour ».
Cette décision qui pourrait faire jurisprudence inquiète Domaines skiables de France. Non seulement elle fait craindre à plusieurs exploitants ce qu’ils considéreraient comme une spoliation, mais surtout, selon DSF, l’instabilité juridique qu’elle illustre est de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables. « Cette situation n’est bonne ni pour les délégants ni pour les délagataires », regrette Laurent Reynaud, le délégué général de DSF.